L'histoire de Libéria

     

Les origines

La dynastie Biboud

1928 - 1935 : premiers moteurs

L'après-guerre

Le début de la fin

La compétition

Palmarès de Libéria

 
 

Libéria et les cycles

Sic transit, les années 90

Epilogue

     

Le parc Libéria du club

 

L'histoire de la marque Libéria

 

Libéria : "La grande marque des Alpes françaises"

Par Pierre Astier et Didier Mahistre
avec le concours actif de Gérard Biboud et Georges Agache.
Tous droits réservés ; reproduction interdite.

Les traces écrites de l'histoire de la marque Libéria ont malheureusement disparu avec la destruction progressive des archives. Autre difficulté, les Ets Libéria ont été avares de publicité, les catalogues ne sont pas tous datés, les références inscrites sont celles de l'usine en fonction des options, sans aucun lien avec le nom ou le type commercial... Tout ceci contribue à rendre très incertaine la chronologie historique. Nos sources ont été essentiellement les souvenirs collectés tant chez les derniers propriétaires de la marque, notamment Gérard Biboud, que chez les pilotes ou les collectionneurs. Toutefois, certains faits sont avérés, et, en conséquence, datés.

 

Les origines

 

 

Antoine Biboud, né en 1882 à Grenoble. Apprenti serrurier, puis Directeur d'étude chez Magnat & Debon, et capitaine des pompiers de la ville de Grenoble.

1897 : Antoine Biboud intègre les Ets Faure et Ricou comme apprenti serrurier. Ces établissements fabriquent des cycles. Ils deviendront un auto-garage agent Citroën à Grenoble. Voir note.

1900 : Antoine Biboud quitte les Ets Faure et Ricou dont l'activité se tourne exclusivement vers l'automobile. Il entre chez Magnat, constructeur, au 71 cours Saint-André, et en deviendra le directeur du Bureau d'Etudes des Cycles. Ce que nous pouvons dire, c'est que la rencontre avec Joseph Magnat va être le point de départ de l'étude des changements de vitesses chez Magnat. Ces études se concrétisent par un système de rétropédalage (la rétro directe à une chaîne), par un système par boîte de pédalier à engrenages à deux et trois vitesses ou par un moyeu arrière à 3 vitesses. En 1905, c'est la consécration avec le premier prix du concours organisé par Touring Club de France sur la route Grenoble-Chambéry en passant par les cols de Porte, du Cucheron et du Granier. Ainsi le cycle va générer la richesse permettant la recherche motorisée et la production de motocyclettes. En 1908, la boîte pédalier est accouplée au système de rétro directe (4 vitesses), permettant un vrai point mort. A qui revient exactement la paternité de ces résultats, nul ne le sait. Jules Magnat, constructeur de cycles et automobiles, et Louis Debon, président de la Manufacture Française de Bicyclettes s'associent. La marque devient Magnat & Debon au 69-71 du cours Saint-André à Grenoble.

1913 : Des dissensions amènent A Biboud à quitter Magnat-Debon alors sous la direction de A. Moser. Il devient capitaine des pompiers de la ville de Grenoble.

1918 : Pendant la 1ère Guerre Mondiale, A. Biboud étudie la possibilité de créer une usine de fabrication de cycles et de motocyclettes. Dans un premier temps, il rachète un commerce de cycles et s'installe à Vinay.

1920 : Antoine Biboud a dans l'idée de passer à la phase construction. Pour ce faire, il est contraint de venir s'établir dans la capitale des Alpes. Il achète un local rue Crépu, près de la gare de Grenoble, contenant un fond de cycles, devient grossiste, commercialise et répare des cycles Gladiator, des motocyclettes Clément, Indian, Moto Rêve et Triumph.

1924 : Il acquiert une maison rue Lackmann et un ancien terrain militaire dans le quartier des Iles. L'usine va sortir de terre au 44, rue Mortillet.

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La dynastie Biboud

 

Antoine Biboud eut de nombreux enfants. Les Ets Libéria étaient l'archétype de l'entreprise familiale profondément ancrée dans le terroir dauphinois et gérée avec une poigne de fer par le patriarche du clan. Madame Camille Biboud, n'avait pas moins de 24 repas à servir à la table familiale où toute la tribu se rassemblait. A 14 ans, les jeunes Biboud mâles étaient mis en apprentissage sur les chaînes de montage. Tel a été le destin de Gérard Biboud, dernier Président Directeur Général des Ets Libéria jusqu'en 1996 et pour qui l'utilisation d'un tour, d'une fraiseuse, ou d'un poste à souder n'avait pas de secret. 

Antoine Biboud décède en avril 1955, et c'est Suzanne Biboud, la fille aînée, qui lui succède de fait, Jean devenant le directeur technique. Gérard n'ayant que 17 ans, Mme Biboud mère, tient à ce qu'il termine l'école libre d'apprentissage de Grenoble. Ensuite, Gérard partira en Suisse pour obtenir son diplôme d'ingénieur en mécanique des Arts et Métiers (mention très bien). Mais lorsque Mme Camille Biboud décède à son tour, le bloc familial commence à se fissurer, des dissensions se font jour, qui s'aggraveront avec les difficultés des dernières années de la firme.

Lorsque Gérard Biboud accède à la direction, c'est Jean-Louis Bourin (petit-fils du fondateur et fils d'Antoine Bourin et de Suzanne Biboud) qui accède au poste de directeur commercial. Sans les moyens énormes dont disposaient les grands constructeurs tel que Peugeot, Motobécane ou Terrot, les Ets Libéria étaient des constructeurs qui emploieront cependant des ouvriers spécialisés (de 50 à 60, aux dire de Gérard Biboud). Certains étaient de véritables artistes, tel Robert d'Aloia et Pozzo, virtuoses de la soudure, ou bien Rippert ou Colombet chargés de peindre à la main les filets sur les réservoirs, les garde-boue et plus délicat encore, de décorer les cadres des vélos. On pouvait les voir, le matin, préparer leurs petits mélanges de couleurs pour la journée (le doré des réservoirs ou le noir profond des garde-boue), vérifier leur traînard (pinceau à poils longs en fourrure de blaireau), puis tracer à main levée et en un clin d'œil, leurs filets sur la pièce à décorer posée sur un socle et qu'ils faisaient tourner de la main gauche. Toute une époque, bien révolue.

 

1920 : Dans les tous premiers temps de l'existence de la firme grenobloise, un agent avait fait remarquer, non sans raison, que le nom "Biboud" n'était pas euphonique. Antoine décide d'adopter une autre raison sociale. En feuilletant un dictionnaire, il choisi le nom "Libéria" (note 1), nom qui sonnait bien et qui évoquait déjà l'évasion, le voyage. D'ailleurs le logo de la marque "d'azur au soleil d'or" reprend cette idée maîtresse, avec pour devise "The new superb". Toutefois Antoine Biboud ne pouvait présager que ce choix allait être source de problèmes quelques décennies plus tard. En effet, quand il s'agira d'exporter des vélos aux Etats-Unis d'Amérique, les importateurs demandèrent que les origines géographiques de la marque soient clairement spécifiées. Ainsi on précisa "Manufacture Française de cycles Libéria". La clientèle n'aurait peut être pas acheté de vélos fabriqués en Afrique !

La production de cycles démarre au 44 de la rue Mortillet. Au départ, les cadres des vélos étaient livrés par un sous-traitant, mais, insatisfait du travail fourni, A. Biboud décide vite de les construire lui-même. Des cadres garantis à vie (comme les montres Cartier !). Et cela n'était pas une clause de style : Gérard Biboud nous racontera qu'en 1991, un brave homme se présenta à l'usine avec un vélo qui avait au moins une quarantaine d'années et dont le cadre était bel et bien cassé. Il repartit avec un cadre neuf. Nous signalerons tout de même qu'Antoine Biboud est resté en excellent terme avec ses ex-employeurs puisque le début de sa société, on compte parmi ses fournisseurs : Magnat-Debon et les Ets Ricou, mais aussi, M. Apparcel et les Ets Riboud et Cie...

1 - Comme chacun sait, le Libéria est un pays d'Afrique Occidentale dont la création a été effectuée par la Société Américaine de Colonisation qui dès 1816, commence a y établir des esclaves noirs libérés (capitale Monrovia en l'honneur du Président Américain J. Monroe). On note aussi qu'Antoine Biboud ajoutera un accent à Libéria comme le confirment les catalogues et les réclames d'époque.

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1928 - 1935 : premiers motorisés

 

 

1928 : Les premiers motocyclettes Libéria apparaissent pour la saison 1929 puisque le premier moteur anglais JAP est acquis en août 1928 chez Moto-Comptoir, 167 bd Perière à Paris, importateur exclusif. Libéria achètera un peu moins de 70 moteurs pendant cette première année de production, c'est dire si la motocyclette reste très confidentielle, et nous ne connaissons qu'une machine de cette période que l'on peut dater de 1929. La partie cycle est un simple berceau interrompu, avec une pièce matricée en poutre supérieure. Tous les accessoires sont de marque AYA, réservoir en selle, garde-boue, fourche de type Webb à deux ressorts, tambours de freins, moyeux... Elle est équipée d'un moteur J.A.P. (2) de 350 cm3 à soupapes latérales. La boîte à trois vitesses toujours en prise est de marque Staub (3), à commande classique à main au réservoir et à transmission finale par chaîne. Nous signalons que les Ets Libéria ont pour fournisseur les Ets MAG motoriste à Genève.

1933 : En septembre 1932, Antoine Biboud acquiert les premiers moteurs de marque Aubier-Dune (4) qui vont équiper les premiers vélomoteurs (Bicyclettes à Moteur Auxiliaire) de la saison 1933. Les commandes des Ets Libéria s'élève environ 50 moteurs Aubier-Dune et autant pour les JAP. De cette période, nous n'avons retrouver que trois de ces engins dont un appartient toujours à la famille Biboud. - Les BMA équipées d'un bloc moteur de 100 cm3 deux temps de marque Aubier-Dunne à boîte à trois vitesses et à transmission par chaîne. La partie cycle est un simple berceau ininterrompu en tube d'acier manchonné et brasé. La fourche est de type Webbs à un ressort. Les deux freins sont à tambours. Si les accessoires sont bien d'origines diverses, les jantes et les garde-boue à chapeau de gendarme, ainsi que le pédalier type vélo sont bien de facture Libéria. Les Etablissements Libéria & Iser reste une entreprise de dimension humaine s'apparentant plus à une manufacture et les bénéfices enregistrés pour l'exercice 1933 s'élèvent à 23 503 francs.

 

1934 : Les Ets Libéria acquiert leur premier moteur Ultima (5) en novembre 1933, ainsi les vélomoteurs sont proposés soit à moteur Ultima, soit à moteur Aubier-Dunne de 100 à 250 cm3 pour les motocyclettes. Les moteurs JAP sont abandonnés. En mai, les Ets Libéria propose une BMA à moteur Lavalette (6). A ce jour nous n'avons retrouvé qu'un seul d'engin et un volumineux catalogue de 100 pages réservé aux professionnels du cycle, de la moto et de l'automobile dûment patentés est-il précisé. Nous y constatons que la signature des établissements est maintenant Libéria & Iser, qu'ils sont les constructeurs des cycles & vélomoteurs des marques déposées pour : Libéria " the new superb " ; Iser ; Edelwiess et Le Point d'interrogation (7) puis Vedettes. Antoine Biboud a très largement diversifié ses affaires puisqu'il y propose bien évidemment des cycles et des motocyclettes à cadre homme ou dame mais aussi tous les accessoires comme : des dérailleurs Cyclo, Rosa, des plateaux B.S.A, des moyeux AYA, Préférence, Excelto, Sturmey (3 vitesses), des roues libres, des freins et des raccords de cadre, des tubes Libéria, des tambours de frein AYA, des fourches AYA et Rubis, des carburateur AMAC, des bougies de toutes marques, des boîtes de vitesses Staub à 2 ou 3 rapports, des éclairages électriques ou à acétylène... D'autre part, il a aussi orienté ces activités vers les accessoires pour l'automobile et plus spécialement pour Renault et Citroën avec des porte-bagages, des porte roues, des tableaux de bord, des chaînes à neige, des disques d'embrayage... ; vers l'outillage spécialisé, vers les machines à coudre et les phonographes de tous modèles, vers le matériel de sports d'hiver : skis, fixations, farts... de fabrication soignée et de belle présentation. Enfin, les Ets Libéria & Iser proposent leurs services pour le nickelage, le chromage et l'émaillage de toutes pièces industrielles.- Un collectionneur Italien a trouvé, du côté de Modène, une BMA, contemporaine de ce catalogue, à moteur Aubier-Dunne de 100 cm3 mono vitesse et suspendu bien au large dans un cadre double berceau abondamment entretoisé. La fourche est de type Webbs. La vitesse revendiquée était de 90 km/h. En cycle, les grands coureurs cyclistes régionaux sont : Banderia, Bianco, Hugonnier, Molinet, Scaringella, Segaud, Succo... qui portent haut les couleurs Libéria sur pistes et routes. Lorsque l'on étudie les bénéfices nets enregistrés par les Etablissements Libéria & Iser et couvrant la période allant de 1934 à 1945, on se rend compte qu'ils sont bien une société à caractère familiale et la fabrication de cycle permet des bénéfices constants et stabilisés autours de 75 000 francs.

 

2 - J.A.P., 1904 - 19? (a été absorbé par Villiers, autre motoriste anglais). : J.A.Prestwich, constructeur Anglais de motocyclettes (1904 à 1908) et de moteurs de 123 à 1098 cm3.

3 - Staub, 1906-193? : Ets Staub, 25 boluevard de Verdun à Courbevoie; sous traitant d'organes mécaniques, puis motoriste (bloc moteur 350, 500 et 600 cm3) et constructeur célèbre de Boîte de vitesses.

4 - Aubier-Dunne, 1921-1960: Ets fondé par G. Aubier et Dunne à Saint-Amand les Eaux, motoriste.

5 - Ultima, 1908 - 1958 : Ets Billion, rue du Cdt Faurax à Lyon; constructeur de moteurs puis des motocyclettes à partir de 1914.

6 - Ets Lavalette : nous ne pouvons dire s'il existe un lien quelconque entre ces Ets Lavalette et les Ets Lavalette qui commercialiseront des moteurs dans les années 1950. Nous constatons seulement qu'Antoine Biboud aura pour fournisseurs ces deux maisons.

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L'après-guerre

 

1945 : A la fin de la deuxième Guerre Mondiale, les marques Iser, Le Point d'Interrogation et Vedettes disparaissent doucement. Après le conflit si la réputation de la marque dans le domaine du cycle n'est plus à faire, dans celui des motocyclettes, elle reste à conquérir. En cette difficile période de reconstruction, les Français manquent cruellement de moyens de transport, et Libéria se lance véritablement dans la production des deux roues motorisés. Pour se faire, Antoine Biboud ne conserve plus que la marque Libéria et il créé la marque Vercors qui disparaîtra rapidement. Pour les cyclomoteurs, Antoine Biboud s'adresse à plusieurs motoristes, et nous y reviendrons plus loin.

En ce qui concerne les vélomoteurs, au dessus de 125 cm3, et les motocyclettes, la maison Libéria acquiert des moteurs des Ets A.M.C. (8) pour les moteurs quatre temps à soupapes culbutées, et Ydral (9) et Sachs pour les moteurs deux temps. La gamme comprend des 125, 150, 175 cm3 et même quelques rares 250 cm3. Mais on peut constater que l'essentiel de la production des vélomoteurs et des motocyclettes Libéria est motorisée avec le moteur Ydral, à qui la firme de Grenoble doit l'essentiel de sa notoriété. Pour certain éléments, comme la selle ou le phare, Libéria fera appel à plusieurs fournisseurs pour pallier une éventuelle rupture de livraison. Ce qui fait que deux modèles identiques fabriqués à peu près au même moment pouvaient être équipés d'accessoires différents. Voilà qui peut intéresser les collectionneurs soucieux d'authenticité qui craignent de ne pas avoir le bon phare ou la selle qui convient. Les faisceaux électriques étaient étudiés par un sous-traitant, testés à l'usine puis livrés tout montés. Il ne restait qu'à les raccorder et à les fixer. A Biboud exportera ses créations à travers le monde, comme nous l'avons dit plus haut, et entre autres au Maroc, où une usine de montage sera construite ultérieurement à Casablanca et produira des cycles et des cyclomoteurs avec la concession des moteurs Sachs. A partir de cette date, et pendant toute la durée de l'aventure du deux roues motorisés, on peut considérer que le "décollage" des Etablissements Libéria s'opère. En effet, l'étude des bénéfices nets des exercices nous prouvent que ceux-ci ont été multipliés par 10 jusqu'en 1958, soit une moyenne annuelle de 720 000 francs. Après cette date, les bénéfices chuteront de façon notoire et les différentes diversifications opérées ne seront là que pour maintenir permettre à ces établissements de vivre sans grande fortune.

L'usine Libéria

7 - Le Point d'Interrogation: pour cette dernière sous marque, Antoine Biboud rend hommage à l'exploit réalisé par Dieudonné Coste et Maurice Bellonte qui réussirent la première liaison transatlantique Paris - New York en avion les 1 et 2 septembre 1930. Le logo représente d'ailleurs un moteur en étoile à 5 cylindres avec une hélice horizontale et frappé d'un point d'interrogation.

8 - Ets A.M.C. (Atelier Mécanique du Centre), 1942-1960 : constructeur de moteurs, 9 rue Agrippa d'Aubigné à Clermont Ferrand.

9 - Ets Ydral, 1952-1962 : constructeur de moteurs à Suresne, à construit quelques motos pour la compétition.

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1951 : Libéria produit de petits cyclomoteurs de 48 à 98 cm3 et, comme tout le monde, s'essaye aussi au scooter (présenté en octobre au Salon de Paris), qu'elle équipe d'un moteur Sachs de 98 cm3 à 2 vitesses. Il s'agit d'un engin bien profilé, "de style heureux" apprécie le journaliste de la revue Motocycle et Scooter.

 

1952 : Le premier moteur Ydral commandé par Libéria, un L45 de 125 cm3, arrive à Grenoble le 19 mars. Il équipe le type A.125. La partie cycle rigide est un semi-berceau en tube d'acier soudé et dédoublé sous le moteur. Le tube supérieur part de la douille de direction pour aller à l'axe de la roue arrière. La fourche télescopique est de marque Tiger (10). Le réservoir est chromé et peint chez Libéria. Il est en forme de goutte d'eau avec un bouchon à ouverture rapide de marque Motaz. Il contient 16 litres d'essence ou de mélange. La selle caoutchouc est à suspension spéciale (un ressort à tension réglable est précontraint par une mollette à main). Le bloc moteur Ydral L 45 à 4 vitesses par sélecteur au pied et à deux sorties d'échappement. Cette année là Libéria montera 21 Ydral, tous des L45. Ce n'est pas énorme...

Les moteurs Sachs avaient le sélecteur à gauche et le frein arrière à droite, comme tous les moteurs allemands, tchèques...

1953 : La gamme s'étoffe et, la partie cycle reste quasiment identique. Il est proposé un vélomoteur de 125 cm3 à bloc moteur AMC à 4 temps à soupapes en tête (culbutées) et boîte à 4 vitesses. Mais les vraies premières motocyclettes d'après guerre reçoivent soit un bloc moteur Ydral L49 de 175 cm3 (par extrapolation du 125 cm3) à 4 vitesses à sélecteur au pied : c'est le type V. 175 ; soit un bloc moteur Sachs de 150 cm3 toujours à 4 vitesses par sélecteur au pied : c'est le type S. 150 ; soit un bloc moteur AMC de 175 ou 250 cm3 (65 machines produites), 4 temps à soupapes culbutées et boîte 4 vitesses. Les motocyclettes équipées des moteurs autres qu'Ydral reçoivent un tout nouveau réservoir, plus rond, avec le passage des genoux évidé et chromé et un bouchon à ouverture rapide de type italien. La production des vélomoteurs et des motocyclettes Ydral s'élève à 85 exemplaires, sans compter les deux motos exposées au Salon de Paris.

 

1954 : Cette année Libéria abandonne le motoriste AMC. Le S.150 est toujours au catalogue. La firme de Suresnes, sort son nouveau moteur, l'Ydral AJ54 dernière évolution des types L. Libéria en achète 77. Puis le 17 septembre, elle reçoit le premier AJ55, dans sa première version, avec piston à bossage qui ne donnera pas toute satisfaction et ne sera construit qu'en peu d'exemplaires, bientôt remplacé par une évolution à piston plat qui équipera la majorité des vélomoteurs (type Y. 125) et des motocyclettes (type Y. 175). Il est facilement reconnaissable, car il n'a qu'un tube d'échappement, côté droit. La marque innove en proposant un nouveau scooter léger à grande roue dénommé Alouette. En fait, il s'agit plus d'un vélomoteur équipé d'un tablier de protection. On peut dire que la production des deux roues motorisés Libéria a atteint sa vitesse de croisière. Il sort de l'usine environ 2000 machines, dont les cyclomoteurs représentent plus de 50% de la fabrication.

 

1956 : Mais c'est le type Y de 1956 qui fut le " top modèle " des motos Libéria d'après guerre, jolie petite machine, de style italien, comme on se plaisait à dire à l'époque, avec son réservoir sport et son si typique cadre simple berceau en tube de section carrée (acier de 103 en 3 mm d'épaisseur - ce n'est pas beaucoup !). Ce cadre donna d'ailleurs quelques soucis lors de sa conception : il cassait ! L'essayeur de chez Libéria s'appelait M Rochette à l'époque. Il essayait les motos, sur de longues lignes droites à proximité de Grenoble. Un jour, il s'écria "j'ai trouvé ! Il faut courber le tube supérieur pour donner de la souplesse et cela ne cassera plus". En effet, après modification la partie cycle ne cassera plus et elle s'avèrera légère mais rigide. C'est ainsi que l'on travaillait, sans simulation par ordinateur, par tâtonnements, à l'intuition, et au péril de sa vie quelques fois. Imaginez la tête de l'essayeur quand le cadre cassait ! Le malheureux M Rochette devait d'ailleurs se tuer sur cette fameuse ligne droite, entre Allevard-les-Bains et La Rochette, un tracteur lui ayant coupé la route. Quand au magnifique petit réservoir à évidement qui personnalise si bien les Libéria, c'est une exclusivité de la marque. Une présérie de ce réservoir, ainsi que deux petits carénages arrières avait été exécutée par un carrossier Italien. Réservoirs et carénages étaient ensuite fabriqués d'après modèle par la firme Patriarca de Lyon. La partie cycle recevait toujours la fourche Tiger (deux modèles dont un, nous dirons "économique", réservée aux 125 cm3), une suspension arrière oscillante, deux caches latéraux dont l'un dissimule la boîte à outils (esthétique, mais pas très pratique car il fallait démonter ledit cache pour ouvrir la boîte à outils), une selle monoplace ou biplace de marque Aurora ou Bolland. La motorisation reste confiée à Ydral et Sachs. La ville de Grenoble commande aux Ets Libéria une motocyclette spécifique pour sa police. Ainsi, Libéria fournit une 125 cm3 du modèle de l'année. Les seules différences notables sont : sa livrée noire à filets blancs, et quelques accessoires (fourche de la 175 cm3, sacoches cuir, pare cylindre chromé, redresseur de tension protégé pour l'installation d'un poste radio...). En comparant la production de Libéria (qui reste stable à 2000 unités) au reste de la concurrence (par exemple, Motobécane avec 300 000 véhicules), la firme Grenobloise se classe au 9ème rang des constructeurs pour la commercialisation des vélomoteurs et des motocyclettes, soit 1,43% de la production nationale. C'est dire si la marque reste confidentielle.

 

1957 : Les vélomoteurs 125 cm3 et motocyclettes 175 cm3 à moteur Sachs et Ydral sont inchangés. Mais les Libéria équipées du moteur Ydral sont déclinées en version "Bol d'or", avec un garde-boue arrière muni d'emplacement pour d'éventuels numéros de course, un carénage coquille sur le phare, des moyeux Maxi double tambour à l'avant, une selle à dosseret type compétition et une super culasse de course de marque Maucourant (17). Les évidements des carénages latéraux et du réservoir sont chromés. Une superbe petite machine. Cette année, les Ets Ydral mettent au point un bloc moteur deux temps à cylindre horizontal et à 2 vitesses. En fait, il y a deux transmissions primaires et la boîte de vitesses a été supprimée, ce qui permet de réaliser une économie de 20 à 30 % sur les coûts de fabrication, car tel était le but de la manœuvre : commercialiser un moteur bon marché. Autour de ce moteur, Libéria réalise une nouvelle partie cycle. Les deux tubes inférieurs du cadre sont inclinés de la douille de direction jusqu'à l'axe du bras oscillant. Le moteur Ydral type H de 125 cm3 est fixé en porte à faux et est solidaire du bras oscillant. Il est de ce fait mobile et non suspendu. Ce vélomoteur sera accueilli très favorablement par la presse spécialisée qui se livrera à divers essais pointus dont les résultats seront jugés très concluants. Tel l'essai sur route ouverte sur une boucle Paris, Sens, Tonnerre, Châtillon sur Seine et Troyes, soit 461 km en 6h10, à la moyenne de 74, 7 km/h. Mais aussi l'essai de vitesse pure sur l'autodrome de Montlhéry (un anneau de 2548, 24 m) où la machine sera chronométrée à 95, 78 km/h, pilote couché et à 84,3 km/h pilote assis. Tout un luxe de précisions : pression atmosphérique de 754 hPa (18), vent de 3 à 5 m/s, sous une température de 15,3°C et une hygrométrie de 40% témoigne du sérieux des essais du magazine l'Auto-Journal. Les performances données par les essais de Moto-Revue sont sensiblement identiques (mais chez Moto-Revue on indiquait la taille et le poids de l'essayeur !). Les conclusions des deux revues sont également à peu près les mêmes : moto élégante et performante, mais freinage à revoir. Mais 95 km/h avec un 125 de 6,8 CV et deux rapports seulement ? On est en droit de se montrer dubitatif... Or, j'ai eu l'occasion d'essayer l'un de ces rarissimes Libéria type H et j'ai été véritablement surpris par la vivacité de ce petit engin. Gaston Durand, l'ingénieur d'Ydral, avait réussi des prodiges en matière d'élasticité moteur. Mais le changement de vitesses s'avéra défectueux à l'usage. Cette Libéria sortit au prix usine de 138 000 F et fut un échec commercial. Le vélomoteur léger équipé du bloc moteur Sachs de 100 cm3 à 3 vitesses bénéficiera de cette jolie partie cycle.

 

1958 : le hic, c'est que l'élégance et le cachet sportif, cela se paie. Au salon, une Libéria vaut entre 207 000 et 335 000 F, alors qu'une Peugeot 175 cm3 ne coûte que 157 600 F et avec 156 000 ou 207 000 F on s'offrait une Motobécane équipée d'un moteur à 4 temps soupapes en têtes. On avait toujours un agent d'une grande marque près de chez soi. Pour acquérir une Libéria, c'était moins simple... Ce qui fait que, bien souvent, on admirait la Libéria dans les pages du numéro du salon de Moto-Revue... Et on allait commander une Peugeot ou une Motobécane pour se rendre tous les jours à son travail. Les chroniqueurs motos ne faisaient d'ailleurs pas fi de l'aspect commercial et sous les éloges transparaissaient de sourdes inquiétudes "...l'allure est plaisante, mais la réalisation est certainement coûteuse...", "...le prix de ces jolis modèles n'est guère favorable au développement de la marque...". Diable, voilà qui ressemble fort à une mise en garde. La production des Ets Libéria est toujours axée sur le cycle, et celle des deux roues motorisés ne dépasse pas 1437 machines. Mais la riche gamme ne propose pas moins de 18 modèles : 9 cyclomoteurs, 5 vélomoteurs et 4 motos.

17 - M Maucourant, vers 1957 : pilote de course et préparateur de motos, qui construisit des culasses de course adaptables.

18 - hPa (hectopascal) : unité de mesure le Pascal (Pa), 1 hPa = 100 hPa. On le mesure à l'aide d'un baromètre. Elle équivaut à la pression uniforme due à une force de 1 newton qui s'exerce perpendiculairement sur une surface plane de 1m2. Elle est surtout utilisée en aéronautique, car, l'altitude 0 se trouve au niveau de la mer et se situe à 1013 hPa. Une atmosphère est égale à un environ 1 bar, soit 105 Pa.

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Le début de la fin

 

1959 : le marché de la motocyclette française de type utilitaire est en perdition, mais les Ets Libéria sont un peu moins touchés que d'autres par ces incidences. En effet, ils avaient judicieusement choisi le créneau de la moto-plaisir en proposant des machines ludiques et sportives. Malheureusement, Libéria est tributaire de ses sous-traitants, qui eux disparaissent. On ne décourage pas facilement un Dauphinois, les Ets Libéria diversifient leur production en fabriquant : 

  • des moto-tondeuses, la "Gazonnette", équipées de moteurs 2 temps de 60 ou 98 cm3, avec système amortisseur de choc, breveté, sur la lame de coupe "dont les services sont aussi précieux au jardinier municipal qu'au châtelain, au propriétaire d'une petite prairie qu'au cantonnier...ou au paysagiste professionnel...
  • des karts (ces petits bolides venant des USA étaient devenus à la mode), que l'on équipe d'abord avec des moteurs Ydral type H (on ne change pas une équipe qui gagne) et de moteurs Sachs 98 cm3. Plus tard, une fois les stocks épuisés, ces karts seront motorisés avec des Mc Culloch ou des Aspéra. Il y aura bien entendu le modèle compétition d'usine en tubes haubanés de 12 mm et 8/100 d'épaisseur, équipé d'un 2 temps Aspéra que l'on verra aux Vingt-Quatre heures de Paris, au championnat d'Europe à Lausanne, en Suisse, où, piloté entre autre par M Gérard Biboud lui même, cet engin prenait les 140 km/h.

1960 : en cette année, on pouvait lire dans Moto-Revue "Libéria, qui est l'une des firmes les plus cotées ne sort que des cyclomoteurs, vélomoteurs et motos de hautes qualités techniques, qui se situent ainsi délibérément au dessus de la bataille des prix et des excès auxquels elle donne lieu.". C'est joliment dit, mais le journaliste arrivait un peu après la bataille : la moto française n'existait pour ainsi dire plus.

1963 : la dernière motocyclette Libéria, une 175 à moteur Ydral, est acquise par un facteur. Ce fut peut-être bien la dernière machine française vendue dans les années soixante. On peut estimer que la production des vélomoteurs 125 cm3 et motocyclettes 150 à 250 cm3 se situe aux alentours des 5000 unités.

1965 : les Ets Libéria se mettent à produire des véhicules d'entretien, balayeuses "Rapid 10, 15...", etc. qu'ils produisent pendant une dizaine d'années. Ceux-ci seront exportés en République Fédérale d'Allemagne entre autres.

1970 : la production de cyclomoteurs, avec un foisonnement de modèles qui témoignent encore de la créativité de la marque se poursuivra jusqu'à l'orée des années soixante-dix, avec, entre autres, un mignon cyclosport à fourche type Earles. Les établissements Libéria furent sans doute les premiers à fabriquer en France de ces jolis modèles sport à l'exemple des italiens. Passé cette décennie, Libéria continuera toujours à produire des deux roues motorisés et des tricycles à vocation utilitaire pour le commerce et l'industrie.

1986 : Arrêt définitif la production de deux roues motorisés.

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La compétition

 

Des Libéria sur l'anneau : c'est dans la compétition qu'une firme peut le mieux exprimer son dynamisme et démontrer son savoir faire. Dans les années cinquante, ce n'est plus l'avis des "grands" constructeurs français qui non seulement s'abstenaient de s'aligner sur les pistes, mais manoeuvraient en coulisses pour faire interdire les courses motos par les pouvoirs publics. Les Européens et les japonais penseront différemment... Libéria fit partie de ces marques, aux moyens souvent limités, qui essayèrent de sauver l'honneur national.

Genèse des Libéria du Bol d'Or : depuis 1947, des pilotes officiels Ydral participaient à la dure épreuve d'endurance du Bol d'Or, en association avec de petites marques comme Paul Vallée (19), Maucourant, Macquet (20), DS Malterre (21) ou AGF (22). En 1955 notamment, l'équipage Agache-Dagan, sur une AGF très spéciale, non seulement se classe en tête dans la catégorie 175 course mais aussi obtient une étonnante place de quatrième au classement général. Mais les motos que l'on a coutume d'appeler "Ydral d'usine" étaient le fruit du talent et du travail opiniâtre du seul Georges Agache, le responsable de la Station de Service Ydral, rue du Débarcadère à Paris. Et, chose qui paraît inconcevable, Georges Agache devait assurer lui même le financement de ses recherches. Tout au plus pouvait-il espérer voir ses frais remboursés, à la condition expresse que ses machines gagnent ! Ses compagnons de piste témoignent : "Toujours le premier au travail et le dernier à partir". Et d'évoquer ses longues soirées, tout seul devant son banc d'essais, dans l'inconfortable appentis aménagé sous l'anneau de Montlhéry. "Dés mon entrée chez Ydral, en 1950, je m'étais aperçu qu'il n'existait rien de valable, du moins pour la course, dans les machines utilisant les moteurs Ydral. Pour cette raison, j'ai dû continuer à faire des prototypes avec mon ami Marcel Vanoecke de Marcq-en-Bareuil, près de Lille, ma région d'origine". En effet avant son arrivée à Suresnes, Georges Agache avait déjà conçu d'intéressantes "spéciales". "La première réalisation fut la partie cycle présentée à la course de la côte Lapize (23) en 1952. Très jolie, très efficace, je l'ai conservée et utilisée pour les courses de côte pendant des années. Il y eut ensuite d'autres versions, puis le passage aux modèles avec suspension arrière et, fin 52, un premier double berceau, d'abord pour le 4 temps, double A.C.T. (24) puis pour les premiers Ydral à cylindre alu et échappement central. Ce qui m'amène à la partie cycle de modèle pour Libéria à qui j'ai donc fourni toutes les données. En particulier les pneus Pirelli de 17 pouces que j'utilisais depuis des années pour des raisons techniques évidentes".

Les Ets Libéria avaient en effet décidé de fabriquer secrètement un cadre double berceau avec des roues de 17 pouces. Agache se déplaça plusieurs fois de Paris à Grenoble avec ses plans pour surveiller la mise en point de cette partie cycle préparée par MM Biboud et Rochette. En ce qui concerne les suspensions, toutes les fourches des prototypes avaient été, jusqu'en 1955, des fabrications Agache-Vanoecke. Elles étaient très légères et très rigides. Ensuite, les fourches furent sous-traitées en région parisienne, et réalisées sous les spécifications de Georges Agache. Pour les amortisseurs arrière, il avait passé un accord avec les amortisseurs Newton (dont il a gardé le contrat de "copyright ") ; ce système s'avéra excellent, performant et increvable, et fut conservé sans modification jusqu'à l'arrêt des compétitions chez Ydral, en 1959. Ce qui impressionna le plus les badauds, mais aussi les fils de M.G. Guignabodet, lors de l'exposition de Grenoble de 1998, c'est le carénage de la glorieuse Libéria N°49 de type "poubelle " (ce terme n'est absolument pas péjoratif). Ce fut encore une initiative personnelle de Georges Agache, sans budget de l'usine, sans décision de la direction, les factures n'étant remboursées qu'après validation de la réalisation. Il y travailla, au 20 rue du Débarcadère, avec les moyens du bord, le dimanche ou la nuit. Il y eut en fait trois évolutions. Pour la conception du n°1, la partie cycle fut bardée de profilés, délimitant les formes et les volumes. Lorsque tout sembla correct, G. Agache fit appel à un tôlier formeur qui, sur place, façonna la tôle de dural aux formes définies. Ce premier carénage fut celui du Bol d'Or 1956. Un second carénage fut réalisé dans les mêmes conditions, avec le même manque de moyens. Pourtant, ce deuxième modèle marquait un progrès dans la finesse aérodynamique. Il servit plus tard de modèle au n°3 façonné à Arpajon par M. Maguol, ancien de chez Kellner (25) et cette fois avec un financement de la firme Ydral. Les Libéria de course du Bol d'Or 1956 et 57 étaient animées par le moteur Ydral à cylindre alu chemisé et échappement central montés sur un bas moteur de série. Avec le carénage, le régime était de 7400 tr/mn pour une vitesse de 160 km/h, soit 21,6 km/h pour 1000 tr/mn. Toujours sur le même anneau de Monthléry, la machine nue, avec le même moteur, ne passait pas 130 km/h (ce n'est pas si mal) au même régime de 7400 tr/mn, soit 15, 56 km/h pour 1000 tr/mn. Voilà qui témoigne de l'efficacité du carénage. "Le test a été effectué plusieurs fois car cela étonnait tout le monde" se souvient Georges Agache, "y compris M Colibet, le chef de piste".

 

19 - Paul Vallée, 1949 - 1954 : constructeurs de vélomoteurs, scooters et motocyclettes au 59, rue Sadi Carnot à Aubervilliers.

20 - Macquet, 1951 - 1954 : constructeurs de vélomoteurs et motocyclettes.

21 - DS Malterre, 1922 - 1958 : constructeurs de motocyclettes au 13 rue Biscornet, puis 42 Bd de la Bastille à Paris XIIè.

22 - AGF, 1947 - 1954 : constructeurs de scooters, de vélomoteurs et de motocyclettes au 4 rue Hoche à Colombes.

23 - La course de la Côte Lapize : Organisée sur un tronçon du circuit routier de Linas - Montlhéry ouvrait la saison. On venait y tester les dernières réalisations.

24 - M.G. Agache a construit, sur la base Ydral, un moteur de compétition double arbre à cames en tête qui lui aurait permis de défier les machines de course italiennes, mais ses employeurs ne lui permettront pas de poursuivre ses essais.

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1956 : la Libéria-Ydral munie du carénage N°1 prend donc le départ du Bol d'Or mais l'embiellage ne tient qu'une heure et demie. En revanche, une Libéria de série pilotée par Arambol et Croix sera victorieuse en catégorie 175 sport et troisième au scratch des 175, avec une moyenne de 85,751 km/h.

1957 : le 5 avril, une partie cycle préparée quitte le 44 de la rue Mortillet, pour la Seine et Oise. Sur place, dans le box de l'autodrome de Linas-Montlhéry, de nuit, a lieu une rencontre entre la partie cycle Libéria et un moteur Ydral. La machine est montée et le bolide caréné donne de la voix (il s'agit du carénage N°2). Le 6 avril, les essais sont on ne peut plus concluants. Le 7 avril, et quelques réglages plus tard, la Libéria carénée prend le départ des "Deux heures de Montlhéry" avec, au guidon son concepteur Georges Agache. D'emblée la Libéria à moteur Ydral va se trouver largement en tête des 175 cm3 devant les A.C.T. italiennes, avec des passages à 153 km/h, démontrant au plus sceptiques qu'il va falloir compter avec cette petite fusée. Les chroniqueurs attribuent à un ravitaillement en essence le fait que G. Agache ne soit finalement classé que 3ème. Je me souviens très bien l'avoir lu, à l'époque, dans Moto-Revue N°1337 du 20 avril 1957. Or, notre pilote-constructeur lui même ne se souvient pas s'être arrêté pour ravitailler en essence. Et il nous fournit même de solides arguments : "Nous avions toujours de faibles consommations, moins de 6 l/heure, et les réservoirs faisaient au moins 15 litres". Mais il faudra attendre mai 1999, à l'occasion des Coupes Moto-Légende sur l'anneau de vitesse de Linas-Monthléry pour que la vérité éclate enfin, et c'est involontairement que M. Jacky Rittaud nous la délivre devant la presse lors d'une accolade "Georges, toi pilote d'usine, en tête de la course, tu t'es arrêté pour prendre des nouvelles du copain accidenté... mon ami, tu m'as sauvé la vie ! Tu es aller chercher les secours...". En effet, Jacky Rittaud sera victime d'une chute et sportivement, Georges préviendra les organisateurs en passant les stands. Si ce fait n'est pas resté ancré dans la mémoire de notre pilote, c'est que cela avait été un acte naturel, spontané et généreux. Le certificat de performance indique 221, 458 km parcourus à la moyenne de 110, 729 km/h.

Pour le prochain Bol d'Or, tous les espoirs sont permis. Les deux mois qui suivent, vont être mis à profit pour préparer les deux machines qui vont se présenter à la plus dure des courses de vitesse et d'endurance du monde.

 

25 - Kellner : Grand carrossier français qui fabriqua des carrosses puis plus tard des carrosseries pour l'automobile de luxe (Hispano-Suiza notamment).

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Le 1er juin 1957, le Bol d'Or. Au guidon de deux Libéria, les quatre pilotes officiels Ydral ("Pilotes officiels", façon de parler..."Nous n'avions même pas de contrat de coureur !" nous confie G. Agache) se présentent au départ. Sur la N°49, Georges Agache et Gilbert Guignabodet, sur la N°50, Daniel Arambol et Fernand Tiers. Quarante deux ans se sont écoulés et nos héros se souviennent. Mais le temps passé a quelque peu érodé la mémoire. Pour M.G. Guignabodet, le benjamin de l'équipe, ce fut une dure épreuve : "le carénage réverbérait le son strident du monocylindre, il entrait en résonance avec le dural du carénage, la machine vibrait, le bruit était assourdissant. On était plié en position fœtale cela provoquait des crampes et des douleurs articulaires, la souffrance était au rendez-vous. Dés que l'on atteignait les 130 km/h, la machine se mettait à "flotter" dans l'air. Mais la Libéria à moteur Ydral tenait toutes ses promesses et nous étions fiers de la piloter. Mais Georges Agache, qui bénéficiait déjà à cette époque d'une solide expérience de pilote, tempère un peu ces propos : "En fait, les vibrations du moteur se maintenaient à un niveau très correct. L'équilibrage du vilebrequin et du volant moteur avait été particulièrement soigné sinon on risquait la casse. L'échappement était remarquablement silencieux pour une machine de course, ce qui avait frappé tous les observateurs. Pas de résonance notable du carénage, non plus, car cela aurait entraîné une fatigue du métal et de la casse. Le bruit de l'air était infiniment moindre que sur une machine sans carénage. Cependant, il est exact de dire que les pilotes ne se sentent pas tous "confortables" dans une moto carénée ou même semi-carénée comme l'était l'AGF du Bol d'Or de 1954. Alain Dagan et moi y étions parfaitement bien malgré le pilotage à genoux et les commandes au bout des pieds. Bien sûr, il faut que le gabarit du pilote soit à la mesure... de la moto". Il serait plus exact de dire que G. Agache avait, très légitimement, conçu ses motos à sa mesure et à celle de ses coéquipiers habituels. Gilbert Guignabodet, pilote occasionnel d'Ydral, est plus grand, d'où les crampes.

La nuit qui attend nos quatre compères sera celle de tous les dangers, celle du salaire de la peur, car les volants magnétiques provoquaient des surtensions qui grillaient les ampoules. Sur les Libéria, comme le fait remarquer G. Agache, l'éclairage était bien meilleur que les années précédentes car on avait utilisé, intégré à l'avant du carénage, un phare Marschal automobile à l'optique particulièrement soignée, testée par Marchal-Neuilly. A en croire Daniel Arambol, le danger venait surtout des autres concurrents, les retardataires de toutes les catégories (du scooter au 500) qu'il fallait constamment doubler et qui eux n'étaient souvent pas éclairés, et que l'on n'apercevait qu'au dernier moment, à fond sur cet anneau où la piste n'était éclairée que par des braseros ! L'équipage Arambol-Tiers sera contraint à l'abandon sur bris de fourchette de boîte de vitesses au 19ème tour. Mais la n°49 pilotée par Agache-Guignabodet ne faiblit pas. Ce jour là, un petite bolide argenté, en forme d'obus avec son carénage dural type "poubelle", portant les logos Libéria, Ydral et B.P. allait débouler sur l'anneau de Linas-Montlhéry à 164 km/h chrono. "Il fallait voir les yeux effarés des autres concurrents quand nous les doublions... Je n'imaginais pas que tous ces souvenirs étaient restés gravés dans ma mémoire comme s'il ne s'était écoulé que 10 mn, et pourtant, il y a de cela plus de quarante ans. En m'asseyant sur cette machine, j'ai retrouvé instantanément ma position de course, les bras tendus, les mains sur les manettes... Je retrouve ma jeunesse et en fermant les paupières j'ai revu défiler devant mes yeux les stands, le fourmillement des mécanos, l'épingle de la Faye... Mon cerveau m'a renvoyé les vrombrissements des moteurs, le claquement sec des pneus sur le joint des plaques de béton, les odeurs d'essence et d'huile... Et pourtant, je n'ai pas gagné ce jour là !" nous confiera M. Tiers, la voix et les yeux chargés d'émotion lors de l'exposition à Grenoble de 1998. Il nous donnera encore, un peu plus tard, quelques précisions : "Nous montions le plus haut possible sur l'anneau pour pouvoir, en redescendant en sortie de virage, atteindre la plus grande vitesse possible dans la ligne droite". Il ajoute : "l'ingénieur M Durand se postait au virage et houspillait ceux de l'équipe qui ne le prenaient pas bien. C'est qu'il n'était pas facile !" (l'ingénieur Durand, pas le virage !).

C'est la consécration, Georges Agache et Gilbert Guignabodet franchissent en vainqueurs la ligne d'arrivée du 29ème Bol d'or pour catégorie 175 course. Non contents de ce résultat, ils battent le record des 175 avec une moyenne de 100,8 km/h. Ils se classèrent 4èmes au général, en sautant in extremis les deux 250 cm3, une F.N et une Zündapp usine, mais aussi en battant l'AJS 7R de 350 cm3 pilotée par Georges Monneret, deux BSA usine de 350 cm3, une Velocette Vénom de 350 cm3, une BMW 500 série 2, une Norton Manx de 500 cm3 préparée... Excusez du peu ! 

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La Libéria n°49 du Bol d'Or 1957. Au centre, entouré des membres du club YDRAL, Gilbert Guignabodet, vainqueur sur cette machine avec Georges Agache.
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Mais cet exploit ne peut cacher la réalité : il y eut peu de machines d'usine à ce Bol d'Or car les grandes marques ne s'investissaient plus en compétition. Le public ayant déjà fait défection depuis quelques années, ne pourra hélas plus s'enthousiasmer en ne voyant courir pratiquement que des machines de série. "Point d'orgue et chant du cygne" comme le dira si justement Bernard Salvat, on ne reverra plus officiellement de motos Libéria en compétition. Et ne sous-estimons pas les succès obtenus dans des courses de côte ou des épreuves régionales par des coureurs locaux comme le Vizillois Louis Marmounier, Antoine Granda, Marcel Di Manno, Claude Desquatrevaux, Geneviève Legendre, etc. car acquis sur des machines pratiquement de série et ce, jusqu' en 1964. Et d'ailleurs, les Libéria n'ont pas tout à fait déserté les pistes : on peut encore en voir aujourd'hui, au milieu des motos japonaises, au départ de courses de côte du Championnat de Provence de la Montagne. C' est ainsi qu'entre 1992 et 1998, les motos grenobloises ont remporté 3 titres de Championne de Provence, 4 titres de Vice-Championne dans leurs catégories respectives. Et il n'y a pas de raison pour que ça s'arrête...

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Palmarès des motos Libéria au championnat de Provence de la montagne

1992 - Jean Pierre Uffren, Champion de Provence catégorie175, 1er du Challenge Marander Pierre Astier, 3ème

1993 - Pierre Astier, 3ème catégorie 175, 1er du Challenge Marander

1994 - Pierre Astier, Champion de Provence catégorie 175

1995 - Pierre Astier, Vice-Champion de Provence catégorie 175

1996 - Pierre Astier, Champion de Provence catégorie175, 1er du Challenge Marander Jean Pierre Uffren, Vice-Champion de Provence catégorie175

1998 - Julien Dufetel, Vice-Champion de Provence catégorie125, Pierre Astier, Vice-Champion de Provence catégorie 250

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Libéria et les cycles

 

Ces bruits de moteurs ne doivent pas faire oublier les cycles Libéria, qui eux aussi sont à l'honneur. Dès le début des activités, Antoine Biboud, esprit curieux, constamment en éveil, améliorant la qualité et le rendement des machines portant sa signature, devenait un actif propagandiste en faveur du dérailleur au lancement duquel se consacrait son ami Albert Raimond. Dès la création de l'entreprise, Antoine Biboud recrute Auguste Segaud comme coureur cycliste. Celui-ci va porter haut les couleur orange et noir de la marque orange, il obtiendra 250 victoires tant sur route qu'en cyclo-cross. Et consécration suprême, il obtiendra la troisième place du championnat du monde de cyclo-cross en 1928.

1956 : Libéria crée son équipe officielle sans appui extra-sportif, et participe aux grandes compétitions routières avec les champions Jean Dotto, Henri Anglade, Win Van Est, Brambilla (qui deviendra directeur sportif), Raymond Martin (agent à Caen), Rawlick. Ce dernier ayant obtenu un palmarès époustouflant. Mais aussi Agut, Collosio, G. Dupuy, Nowak, etc.

1959 : Henri Anglade devient champion de France cycliste au guidon d'un vélo de course Libéria. Il sera cette année là le second au Tour de Suisse et au Tour de France. Les cycles porteront des décalcomanies composées du portrait du champion et d'une cocarde tricolore.

1962 : il faut attendre cette année pour voir la participation officielle d'une équipe Libéria-Grammont au Tour de France Cycliste (26) avec entre autres champions H. Anglade et J. Dotto.

1970 : il ne faut pas croire que dans le domaine de la fabrication des cycles de série, les Ets Libéria en étaient restés à des procédés de fabrication artisanaux d'un âge révolu : cette année, rue Mortillet, on met en fonction la première chaîne de peinture française robotisée, entièrement automatique. Peugeot, Motobécane et d'autres viendront à Grenoble pour s'en inspirer, et même une firme du pays des tulipes et du vélo, la Hollande.

1978 : Gérard Biboud de retour récent des USA, décide de produire des Moutain-Bike qu'il a vu évoluer et qui sont très à la mode outre Atlantique. La première présentation en France se fera au Salon de Paris où les Ets Libéria seront les premiers à fabriquer et à vendre des Moutain-Bike, VTT (Vélo Tout Terrain) en français

1980 : Un genevois de 28 ans vient à Grenoble aux Ets Libéria, car il a une idée bien ambitieuse, celle de tenter l'ascension du toit de l'Afrique. Les Ets Libéria, seuls fabricants français de Moutain-Bike, étudieront et fourniront un VTT spécial. Ainsi, Eric Doutrelepont va gravir à bicyclette le Kilimandjaro (ou pic Uhuru : 5 895 m). Cette ascension va être accomplie en 3 étapes successives de jour avec un pallier à 2 750 m, un autre à 3 800 m et le dernier à plus de 5 000 m. Cette ascension se fera avec une pente de 50 à 60° de moyenne. Après son exploit, il ne faudra à Eric qu'une journée et demie pour redescendre.

Le vélo électrique : les Ets Libéria font breveter et commercialisent le "Vélectric". Le Vélectric est une bicyclette classique avec double plateau et pignons 5 vitesses, auquel on a ajouté côté gauche sur la boîte de pédale, un plateau, et un pignon fixe sur la moyeu de la roue arrière. Voilà pour la partie visible. Dans cette bicyclette, on a installé dans le tube de selle trois moteurs électriques montés en série qui actionnent un arbre à couple conique et qui entraîne un différentiel installé dans la boîte de pédale (le tout dénommé "moto-réducteur"). Dans le tube horizontal (pour homme) et le tube inférieur, on a introduit des accumulateurs. En bout de la poignée de guidon, il est monté un contacteur à commande par câble assurant les fonctions "moteur" ou "recharge". Lorsque le cycliste actionne le contacteur sur la position "moteur", les accumulateurs alimentent le moto réducteur qui transmet la puissance au plateau droit permettant une économie d'énergie musculaire de l'ordre 10% pour un cycliste moyen. L'autonomie est de 30 à 45 mn. Une prise permet la recharge des accumulateurs. Le Vélectric est commercialisé entre 13 000 et 15 000 F, et sa vocation est plutôt tournée vers les personnes souhaitant pratiquer une activité physique et ayant des problèmes de santé. Mais le système est suffisamment long à installer, et le service après vente demande des connaissances techniques ardues (électronique) : les agents de la marque se refusent à l'installer. Le Vélectric sera retiré de la commercialisation et les Ets Libéria rembourseront les acquéreurs.

1985 : forts du sucés du VTT naissant, les Ets Libéria prêtent leurs concours à quatre jeunes français qui veulent tenter la traversée du Hoggar, sur une boucle de plus de 500 km de piste chamelière de Tammarasset à Tammanrasset. Ainsi, Véronique Jacquier, Marc Bancel, Jacques Bochirol et Jean-Luc Rigoux vont être sponsorisés et vont accomplir leur rêve entre décembre 1984 et janvier 1985.

1994 : pour le Tour de France, Libéria fournit des vélos à l'équipe RMO avec Charlie Mottet, Madiot, Linot, le vizillois Claveyrolat,...Rude tâche pour Gérard Biboud, dernier PDG, qui avait 100 cadres spéciaux à fabriquer. Car chaque coureur devait posséder cinq vélos sur mesure et très spécifiques (montagne, contre la montre ...). Il y passera ses vacances de Noël et ses jours de fin de semaine, au grand désespoir de son épouse.

26 - Note de l'éditeur : l'histoire du Tour de France Cycliste créé en 1903 sous l'impulsion du journaliste Henri Desgrange alors rédacteur en chef du journal L'Auto fondé par le comte De Dion, fait l'objet de plusieurs oeuvres, mais le magazine Mémoire n° 14 bis édité par les Amis de l'histoire du Pays vizillois le traite dans son ensemble et plus particulièrement, sur les étapes passant par Vizille, vous y trouverez les biographies des champions régionaux.

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Sic transit, la décennie 90

 

La mondialisation est en marche. Les Ets Libéria fournissent en cycles la grande distribution dont Décathlon. Un jour, des responsables de la dite société se présentèrent rue Mortillet avec des conteneurs dans lesquels se trouvaient des cadres et des accessoires de cycles fabriqués on ne sait trop où ... "Désormais, vous assemblerez des vélos avec les éléments que nous vous fournirons." Refus catégorique et définitif du P.D.G. de Libéria. Il n'est pas question de monter dans les vénérables ateliers Libéria, et de livrer des bicyclettes Décathlon fabriquées par de malheureux asiatiques ou leurs enfants, sous-payés et exploités. Bel exemple de probité et de fierté professionnelles, mais ces valeurs ont-elles encore cours en cette époque de cynique mercantilisme? La firme grenobloise n'était pour autant pas encore condamnée. Les Ets Libéria suivent la mode et produisent de bons VTT. Aussi, la Police nationale de Grenoble, sous couvert de la préfecture de l'Isère, leur demande-t-elle d'étudier un VTT, avec tous ses accessoires. Ce matériel ayant donné entière satisfaction, il est envisagé d'en équiper toutes les polices de France pour la surveillance urbaine. Marché juteux et providentiel avec à la clé une énorme publicité qui aurait pu sortir Libéria de l'ornière. Le dossier stagna sur le bureau du Ministre de l'intérieur. Une décision annoncée comme imminente était sans cesse ajournée. Gérard Biboud n'obtenait au téléphone que des réponses évasives et dilatoires. Excédé et de guerre lasse, il jeta l'éponge, décision difficile à assumer devant le clan familial.

1996 : La mise en liquidation judiciaire est prononcée, on pouvait encore escompter un épilogue honorable tant les avoirs étaient importants. Les actifs et avoir sont mis en vente aux enchères, l'outil de production est éparpillé. 3,5 millions de francs de marchandises chiffrées en prix d'achat à l'inventaire, 6 000 cadres de vélos, y compris des "hauts de gamme" à 3 000 F pièce, jantes, guidons, roues, etc., 100 000 francs de machines outils, 2 millions d'effets à rentrer en banque... En fait, le tout fut adjugé pour un montant dérisoire de 600 000 francs, à destination du département des Landes, puis assez rapidement revendu une deuxième fois, en Savoie, pour la somme ridicule de 200 000 francs... La chaîne de peinture estimée entre deux et trois millions fut cédée 6 000 F. Les marbres de fabrication des cadres partirent au Maroc. Les Marocains auraient voulu aussi acquérir le P.D.G. et son savoir faire, mais celui-ci déclina l'offre... Après quoi, on apprit incidemment que ce fameux marché avait été attribué à une firme Américaine, contribuant ainsi à la mise en liquidation judiciaire des Ets Libéria. Nos responsables politiques avaient peut-être, après tout, de bonnes raisons pour donner la préférence à une firme étrangère. Mais cela dissiperait un malaise si on pouvait savoir lesquelles... Pour finir, vision de cauchemar pour les collectionneurs actuels, amoureux des motos Libéria : des camions entiers qui quittent l'usine chargés à ras bord de cadres, réservoirs, moyeux... etc., destinés à être ferraillés !

1998 : en cet automne pluvieux, la carcasse vide de la vieille usine et la maison patriarcale ont subi les assauts des bulldozers pour laisser sortir de terre un banal immeuble. Après soixante quinze ans d'activités, la "grande marque des Alpes française" a vécu. La disparition du dernier constructeur isérois entraîne la perte irrémédiable d'un savoir faire acquis et transmis de génération en génération comme ce fut le cas pour les ganteries et les soieries qui ont fait hier la richesse de Grenoble.

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Epilogue

 

Grâce à ses succès sportifs, grâce aussi à l'esthétique et aux performances de ses créations, aussi bien les jolies Y125 et Y 175 que les cyclos-sport, la notoriété et le prestige de Libéria fut sans commune mesure avec les chiffres de sa production. Il suffit pour s'en convaincre de relire "Moto-Revue" et "Motocycle et scooter" de l'époque. Feuilletons donc ces périodiques pour une revue de presse posthume : "...belles petites motos...", "...cachet sportif...", "...allure typiquement transalpine..." (c'est bien un éloge : la moto italienne est considérée alors, à tort ou à raison, comme la référence en matière de petite cylindrée), "...excellente présentation...", "...racée et élégante..", "...une impeccable réalisation... d'une ligne très italienne.." (encore !). Une paraphrase de la devise de Briançon, ville voisine, aurait pu figurer sur le logo de Libéria "petite marque, grand renom". C'est pourquoi il existe encore aujourd'hui des inconditionnels de ces petites motos françaises qui les font revivre sur les routes et même sur les pistes. Libéria, ainsi que les autres marques iséroises, continuera à vivre dans le cœur des passionnés qui contribuent ainsi, sinon à la sauvegarde, du moins au souvenir de ce patrimoine industriel.

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Palmarès de la marque Libéria

 

Sans parler des courses de côte ou d'autres épreuves régionales, l'on peut noter une victoire en catégorie 175 cm3 sport au Bol d'Or de 1956 (Equipage Arambol/Croix), et surtout une victoire en catégorie 175 cm3 course au Bol d'Or en 1957. Lors de la même compétition la 175 cm3 Libéria se place en 4ème position au classement scratch devant toutes les 250, 350 et quelques 500 ! A la moyenne remarquable de 100 km/h sur 24 heures (Equipage Agache / Guignabodet). Oserons-nous y rajouter les trois titres de Champion de Provence catégorie "Motos anciennes" remportés dans les années 90 par le Club YDRAL, et un titre de vice-champion de Provence 250 cm3... en 1998 ? Libéria possède aussi un joli palmarès dans le sport cycliste puisqu'il y a peu, la firme Grenobloise participait au Tour de France cycliste avec l'équipe RMO.

Un Kart Libéria

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