La moto en France en 1956 L'histoire d'YDRAL Photos d'époque Documents

Acteurs d'époque

  Bibliographie
 Georges Agache Louis Schoon    

  

La moto en France en 1956

Marque

Vélomoteurs de moins de 125 cm3

Motocyclettes de plus de 125 cm3

avec moteur YDRAL

Motobécane 23 227 8 550 non
Peugeot 21 305 5 280  non
Terrot 12 248 729 non
Monet-Goyon 9 053 669 non
Alcyon 4 994 146 non
Automoto 4 685 66 non
Follis 4 548 215 oui
Gnome-Rhône 2 540 271 non
Libéria 1 100 67 oui
Rhonson 940    non
Ratier    244 non
Cocymo 867 62 oui
Gitane 582 47 oui
Jeunet 494    non
Paloma 493    non
Cazenave 485 2 oui
R. Guiller 481 39 oui
Lucer 358    oui
Delaplace 282    non
Guiller S.A. 93 16 oui
Riva-Sport 87 22 non
Dilecta 84    non
Talbot 80 5 oui
Tendil 44    non
Magnat-Debon       non
GIMA       oui
Divers 16 081  446   
Totaux  105 151 16 876   

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L'histoire d'YDRAL

Photo: Atelier de montage chez YDRAL

Société YDRAL : 83 rue Carnot à SURESNES.

A l'origine atelier de mécanique générale fondé par Anatole Lardy (1887-1950), l'on y fabriquait en particulier des moyeux de freins. Ce n'est qu'après la guerre qu'YDRAL se lance dans la construction de moteurs qui équiperont une multitude de marques de motos, triporteurs, scooters ou voiturettes. Grâce à l'ingénieur-pilote Georges AGACHE, la firme Ydral adopte une politique résolument sportive avec de nombreux succès notamment à Montlhéry en collaboration avec les marques AGF, Libéria et Mochet. 

Avec la disparition de la moto Française, YDRAL se recycle en important par exemple des moteurs fixes HONDA. L'usine fermera ses portes dans les années 1980.

Voir plus bas l'immeuble de la rue Carnot. 

  
  

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Photos d'époque
Les 2 patrons d'Ydral : à gauche Jean BOUILLARD (directeur commercial), à droite droite André LOUVEAU (directeur technique). Le dernier P-DG, Jean Bouillard, gendre de M. Lardy est décédé en 1993 après avoir légué ce qui restait des archives de l'usine au Club Ydral. Pour plus de détails, voir la revue Le Motocyclettiste N° 30 et 31 et La Vie de la MOTO N° 185.
  
Acteurs d'époque

Côté de Laffrey, près de Grenoble, en 1957 :
L’équipe Libéria est sur place avec des motos de série, excepté pour Georges Agache, au centre, dont la monture est améliorée.

 

Autres clichés, fournis par Jean-Do,  mais dont l'authenticité n'est pas garantie...

Gaston Lardy, l'arrière grand père du fondateur d'Ydral, qui s'était déjà illustré dans les courses motos en 1902-03 sur une moto Lion-Peugeot équipée d'un moteur maison, ressemblant étrangement au bitube que nous connaîtrons ensuite... Un très très rare document de la collection privée de Jean-Do montrant Gaston Lardy visant la première place du podium a travers le corps de son rival Alphonse Tabraile, son rival en courses !

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Georges Agache et la compétition

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Bol d’Or 1950 le speaker présente les concurrents au public. Voici le tour de la machine N°62 une 125 "GD3V", pilotée par un certain Georges Agache Quel curieux nom pour une marque de motos, pense-t-on dans les tribunes... Et les connaisseurs savent que le moteur de cette petite moto est plus étonnant encore que son nom codé. Il s’agit en effet d’un monocylindre dont la distribution s’effectue de manière très originale : ce quatre-temps ne fait pas appel à des soupapes, mais à un distributeur rotatif placé dans la culasse. Mais l’audace ne paie pas à tous les coups et l’équipage devra abandonner à la 13e heure de course.

Le sigle "GD3V" est l’abréviation de "Garage des trois villes", officine située à Marcq-en-Barœul, près de Lille. C’est là que la machine a été réalisée, par un étudiant de l’école des Arts et Métiers âgé de 22 ans, Georges Agache, en collaboration avec deux amis, Vanhœcke et Carèje. Signalons en outre que toutes les pièces du moteur sont originales : carters, vilebrequin, bielle forgée, etc. Coup de chance pour les amis, le syndicat des fondeurs, qui possède un laboratoire en face du garage, s’intéresse à leur travail et accepte de les aider pour réaliser plusieurs versions du distributeur en tête. Seule la boîte de vitesses est empruntée à une Ultima. Les essais en course, s’ils ne font pas apparaître une quelconque supériorité du distributeur, révèlent les capacités du pilote George Agache. Sans le savoir encore, Georges débute une carrière longue de dix ans dans la compétition, comprenant neuf participations au Bol d’Or. Agache est malgré tout réaliste sur les possibilités de son moteur, il explique ‘j’ai abandonné ce moteur après avoir tenté de le développer. J’ai construit plusieurs versions de mon distributeur rotatif, avant de m‘apercevoir que ma dernière réalisation avec un classique arbre à cames en tête était supérieure dès le premier essai ! Mon idée, un peu comme le moteur Wankel, était une fausse bonne idée.” L’année suivante, en 1951, c’est avec une Macquet à moteur Ydral 125 cm3, légèrement suralésé en raison de l’interdiction de cette catégorie en course, qu’il participe à son second Bol d’Or en catégorie 175. I1 prend sa revanche l’année précédente en  terminant 3ème  d’une catégorie forte de 22 participants.

  

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Georges Agache au banc d'essais.

L’ERE YDRAL

La maison Lardy, qui construit les motos Ydral (l’anagramme de Lardy), est connue depuis 1925 pour ses moyeux de roues. En 1947, elle produit pour la première fois un moteur qui emporte la catégorie 125 du Bol. L’année suivante, en 125 et 128 cm3, Ces moteurs équipent les AGF, Alma, New-Map, Mandille et Roux, etc., et sont produits à la cadence de 200 par mois. Georges Agache est à cette période engagé comme pilote, metteur au point et technicien du développement. En fait  il se retrouve homme-orchestre du service course Ydral ! 

Aux courses de côte du Cran d’Escales et de Doullens où il s’aligne, il obtient la première place, mais le Bol 1952 est beaucoup moins brillant sur sa Paul Vallée à moteur 175 Ydral, il termine 20e de sa catégorie et 35e au classement général.

1953 est heureusement une bien meilleure année pour la firme française, Georges l’emporte aux Côtes du Cran d’Escalles, de Lapize, ainsi qu’en circuit à Provins. Au Bol d’Or, l’écurie emporte la classe 175 avec Tano, sur une machine préparée par Agache, qui a préféré un cylindre et une culasse bronze pour limiter les distorsions thermiques. Notre homme, passionné de compétition, ne néglige aucun effort pour inciter ses patrons à engager plus activement Ydral dans la bataille, mais selon eux la course est un amusement, alors qu’il faut surtout penser aux travaux de production la compétition d’accord, mais le soir à temps perdu !

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Agache passe alors ses nuits à la construction d’un 175 cm3 double arbre par exemple le couvercle de montée de chaîne d’ACT est découpé, contourné et percé en une nuit il est seul dans l’usine, et c’est son épouse qui vient l’aider pour terminer le travail. Ce 175, conçu uniquement pour la compétition, est la continuation du rêve de son créateur. Le moteur est performant, mais manque cependant de couple "Au moindre vent debout, il s’effondrait, nous raconte-t-il. Je n'ai jamais pu faire un tour complet d’anneau sans chute de régime, mais malgré cela je bouclais quand même des tours à 150 km/h de moyenne. Nos meilleurs deux-temps étaient légèrement moins rapides dans les mêmes conditions." Le bas-moteur est la base celui d’un 175 cm3 deux-temps de série, mais très modifié. Le vilebrequin est ainsi transformé pour lui incorporer une circulation d’huile générée par une pompe à engrenages montée à l’extérieur du moteur. La culasse est usinée dans la masse et le régime maximal approche les 10 000 tr/mn. Georges Agache précise : "J’ai été moins ambitieux sur le deuxième modèle que j'ai construit, en particulier en ce qui concerne les passages de gaz et les croisements d’ouverture de soupapes, et la moto ne roulait qu'à un peu plus de 135 km/h, mais j'ai gagné Provins et la côte Lapize malgré tout.

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Une troisième version du double 4Cr est lancée, mais on en restera à l’étape de la fonderie avant usinage, Ydral préférant que son ingénieur travaille sur des moteurs deux-temps plus proches des produits vendus aux clients. Agache se souvient aujourd’hui avec encore un peu d’amertume de la réflexion que lui fit, à cette époque où il ne vivait que pour Ydral, un des dirigeants de la firme "Agache, vous êtes en fait l’homme le plus heureux de l’usine : vous avez une passion, je vous donne tous les moyens pour l’assouvir, et en plus je vous paie !"

Il faut donc revenir au cycle à deux-temps. En 1954, les moteurs à double échappement et balayage en croix sont remplacés par des simples échappements à balayage Schnürle. Agache regrette encore le premier modèle "Le balayage en croix  a de grandes qualités, avec des possibilités de couple très élevées à bas et moyens régimes".

Lorsque Gaston Durand arrive chez Ydral comme ingénieur conseil, Georges se sent un peu moins seul. Durand est un homme d’expérience d’une soixantaine d’années pour imposer ses vues à la direction, il va jusqu’à mettre les prototypes sous clé en posant un ultimatum "Ou on les garde, ou vous nous permettez de continuer notre programme". Ainsi, pour le Bol d’Or 1954, les moteurs Ydral sont-ils montés dans de très belles parties-cycles AGF. Une collaboration fructueuse débute avec André Faisant, le patron de cette toute petite usine de Colombes. Les cadres sont construits aux mesures des pilotes, qui adoptent une position semi-allongée, les jambes dans des gouttières : la Norton ‘fish’’ de Ray Amm avait fait école ! Pour la petite histoire, la moto complète ne pèse que 84 kg.

 

 

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160 km/h sur une 175 cm3 !

Les deux équipages de l’usine, Godin- Dagan et Agache-Tiers, prennent les deux premières places de la catégorie 175, ainsi que les quatrième et cinquième places du général, précédés uniquement par la 250 Puch usine de Weiggartmann-Wolzwinkler, une 500 BSA Gold Star et une Cemec de l’usine. Ces excellentes places s’ajoutent à de nombreuses autres obtenues dans des épreuves aussi différentes que le circuit de Charleville ou la Côte Lapize. En 1955, le modèle officiel du Bol, moins révolutionnaire, est plus proche des AGF de série. Agache en est encore le pilote, associé à Dagan, et emporte la première place de sa classe et la quatrième au général, à la moyenne record de 92,901 km/h.

AGF et Ydral commercialisent alors une moto compétition-client tirée de la machine du Bol, Agache la garantit personnellement comme aussi rapide que celle d’usine en tournant devant le client, sur l’anneau de Montlhéry, dans des temps comparables, preuve non seulement des qualités des motos, mais également des relations humaines que les hommes essayaient de nouer, et ceci... avec l’essence du commerce!  Pourquoi cette dernière précision ? Le pilote-ingénieur répond  "Lorsque j’avais des doutes sur la tenue thermique de mon GD3V, j'effectuais des tests au méthanol.  J’avais gardé ces habitudes chez Ydral, pour qui j'ai  gagné certaines épreuves très courtes en utilisant  du méthanol pur." Dans des courses longues qui interdisaient le méthanol du fait de la consommation excessive qu’il induisait (deux fois et demie plus élevée qu’avec de l’essence), Agache taisait les qualifications au méthanol, puis changeait de carburateur pour la course il a un petit sourire en revivant ces moments : "Lors des qualifications, le moral des adversaires en prenait un coup quand ils découvraient ma vitesse de pointe ; c’était ma botte secrète !"

 

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Au Bol d’or 1956, cette fois sur une Libéria, Agache survole les débats et prend un tour à toutes les autres 175 dans la première heure... avant de casser. Le bas-moteur de série n’a pas résisté aux près de 20 chevaux à 9500 tours de la moto: 157 km/h, pas mal pour l’époque ! 

La Gnome et Rhône des futurs vainqueurs part alors pour ne plus être inquiétée. Elle ne développe que 15 chevaux, mais elle va tenir la distance. La pilule est amère à avaler pour Agache, d’autant que la Gnome bat son record de l’épreuve de l'année précédente, aussi pense-t-il déjà à sa revanche, Elle sera éclatante en 1957,  la Libéria de l’équipage Agache - Guignabodet emporte la catégorie 175, et surtout dépasse pour la première fois la moyenne de 100 km/h. Elle est en outre une nouvelle fois quatrième au général, derrière trois 500, et la moto "vaut" 160 km/h au tour sur l’anneau. Ce sera le dernier Bol disputé par Agache sur Ydral. En 1959, il court ponctuellement pour Ratier, mais sa machine casse la 13ème  heure.., comme 10 ans plus tôt avec la “GD3V’’
Ydral stoppe son activité en compétition à cette époque, et sa branche commerciale n'est guère plus florissante.

La crise générale de la moto, qui a débuté en 1956 fait tomber un à un bien des constructeurs français, dont beaucoup de clients d’Ydral. La production d’environ 1.000 moteurs par mois devient vraiment pléthorique lorsque Bernardet, l’un des plus gros clients, fait faillite, on savait ce fabricant en situation délicate, mais pas à ce point.  C’est un coup fatal pour Ydral, d’autant que non seulement les clients n’achètent plus, mais ne paient pas leurs dettes antérieures. L’entreprise subsiste alors petitement en réduisant ses activités.

Trop entreprenant pour s'accomoder de cette nouvelle situation, Georges Agache part au Havre trouver un emploi dans l’industrie lourde des moteurs marins. Il revient ensuite à ses premières amours, les carburants, chez Moteurgro, société qui étudie un carburant pas comme les autres, l'Ethanol, le fameux "pétrole vert" Il y poursuit ses recherches avec autant de passion que celle qu’il mettait à améliorer ses temps au tour sur l’anneau de Montlhéry...

Et quand on lui demande s’il n’a pas de regret d’avoir abandonné ce milieu du pilotage en compétition qu’il a connu pendant 10 ans chez Ydral, Georges a, hélas, une réponse logique: "Ce n‘est pas moi, qui ait quitté la moto, c’est la moto française qui nous a quittés !"

Source : extraits d'un article paru dans "Moto Légende" N° 17 de Septembre 1992

 

Georges Agache

Bien après la fin...

 

 

 

 

Voici une photo prise début janvier 2006 qui nous a été envoyée par Mickie Dumonteil. Il s'agit de l'immeuble situé 83, rue Carnot à Suresnes. C'était là le siège de la société YDRAL. L'immeuble a été vendu et sera détruit. On y trouverait encore par endroits des traces de l'huile des machines-outils...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Louis Schoon

 

 

 

 

 

Louis Schoon, constructeur et pilote, est décédé en mai 2005. Louis, qui fut garagiste à Tourcoing, apporta à Ydral son dernier grand succès en remportant la catégorie 175 Course au Bol d’Or 1958 avec une moto de sa fabrication, mue par un AJ55 à refroidissement liquide et distributeur rotatif. Mais ce ne fut qu’un épisode dans une très longue carrière vouée à la mécanique.

Un mécanicien surdoué mais aussi un homme d’un courage hors du commun. Souffrant d’un cancer depuis 5 ans, il avait pris des dispositions pour que personne n’en sache rien, même pas ses proches. Dix jours avant sa mort, il avait encore des projets en tête et il annonçait à Pierre Astier qu’il avait fait installer un tour dans sa chambre ! Son courage n’avait d’égal que sa gentillesse. Concernant sa 175 du Bol d’Or, il avait dit : « Je l’ai prêtée pour une exposition mais on ne me l’a jamais rendue ! Si vous la retrouvez, j’en fait don au Club Ydral. » Nous n'avons malheureusement pas retrouvé cette machine qui a dû être ferraillée mais le moteur a été retrouvé (il a fallu le payer à celui qui se l’était approprié !). Il convient plus que jamais que ce moteur tourne à nouveau un jour en hommage à cet homme exceptionnel mais aussi exceptionnellement modeste que fut Louis Schoon. Pierre Astier

Les photos ci-dessous nous ont été communiquées par la petite-fille de Louis Schoon, Delphine Schoon. Delphine a réalisé un site très intéressant qui retrace la vie et les travaux de son grand-père :

www.louis-schoon.fr

                   

                             Louis Schoon dans son atelier                                          Travail sur un moteur                                                      Au Bol d'Or

A Roubaix : Avec des copains :  

Réalisation personnelle, ce  prototype de voiture sportive :  

 

 

 

 

 

 

 

 

Bibliographie

Moto Légende N° 17 de septembre 1992 : le texte présenté ci-dessus.

Dans le numéro 375 du 15 février 2005 de La Vie de la Moto, Ducloux présente la société YDRAL et son histoire. Avec de belles photos et des détails intéressants.

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Documents

 

 

 

 

Les deux documents qui suivent nous ont été envoyés par Didier Moisan, qui courut le Bol d'Or en 1955 avec Daniel Arambol, sur le circuit (alors appelé autodrome) de Linas-Montlhéry.

Le plan de l'autodrome...

Clic = plus grand.

Le certificat du 27e Bol d'Or...

 

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